Magny-Cours Club : Lotus Elise S2 vs. Porsche Cayman GT4

Dans le compte-rendu publié après ma journée de roulage à Magny-Cours Club, j’abordais les quelques tours de bagarre dont j’avais pu profiter face à un Porsche Cayman GT4. J’avais indiqué les écarts de vitesse relevés sur vidéo mais Pascal, le pilote du Cayman, utilisait ce jour l’application Porsche Track Precision (qui est disponible uniquement sur ce modèle et sur les 991 GT3 et GT3 RS) et avait donc quelques logs qu’il a eu la gentillesse de me partager. Je peux donc aujourd’hui vous offrir une analyse plus fine des différences entre nos deux autos.

Les logs du Cayman GT4 sont échantillonnés à 10 hertz (10 enregistrements par seconde) tandis que j’enregistre à 20 hertz avec mon Vbox Sport. J’ai dans un premier temps voulu comparer les tours directement via l’application Circuit Tools de Racelogic mais il n’est pas possible de positionner la ligne de départ/arrivée où on le souhaite et on perd en souplesse dans ce qu’il est possible de sortir. J’ai donc privilégié le travail à la main à partir des fichiers *.CSV et un traitement dans le meilleur outil informatique qui soit : Excel.

Même si ma fréquence d’actualisation me permet théoriquement d’être précis à 5 centièmes de seconde avant optimisation logicielle, j’ai volontairement arrondi au 1/10 de seconde afin de coller à l’enregistrement du Cayman. Je vous épargne les détails techniques pour synchroniser mes données à celles de Pascal à la fois en partant d’un taux d’actualisation différent mais également d’un point de départ différent (RaceChrono Pro et Porsche Track Precision ne situant pas le départ au même endroit).

Je vous remets le plan du tracé afin de pouvoir faire référence aux différents virages dans le texte qui suit.

Analyse chronos et vitesses

Les deux tours retenus pour les comparaisons qui suivent sont nos deux meilleurs tours respectifs de la journée, à savoir 1’24″9 pour moi et et 1’27″4 pour Pascal qui roulait pour la première fois à Magny-Cours Club avec cette auto. Précision importante, j’étais chaussé en Avon ZZR qui ont bientôt 3 ans et Pascal en Michelin Pilot Sport Cup 2. Commençons par la vitesse, nerf de la guerre sur piste. Je vous propose deux graphiques : le premier repose sur un axe des abscisses exprimé en mètres et le second en temps (minutes et secondes). En pointillé, j’ai représenté la vitesse moyenne de chaque auto sur ce tour. L’écart est assez modeste avec 1,9 km/h (105,8 pour l’Elise contre 103,9 pour le Cayman).

L’avantage de ce premier graphique est de mettre en lumière les différences de vitesse à un endroit précis du tracé. Commençons par ce qui saute aux yeux : le Cayman est plus rapide dans les lignes droites et prend plus vite de la vitesse (ce qui n’est pas anormal avec un 6 cylindres 3.8 qui sort 385 chevaux à 7400 tr/m et 420 Nm de couple entre 4750 et 6000 tr/m par rapport à mon modeste 4 cylindres 1.8 d’environ 135 ch et 175 Nm) tandis que ma Lotus passe plus fort en courbe (ici encore sans surprise avec un poids théorique de 715 kg contre 1415 pour le Cayman). Pour éviter de rédiger un pavé trop indigeste, voici sous forme de tableau les vitesses de passage par virage :

Le freinage avant la chicane 1 est très intéressant car on voit que le Cayman freine avant moi mais uniquement en conséquence de sa vitesse plus importante. Sa vitesse se superpose exactement à la mienne. En revanche, je freine un peu plus fort car la courbe chute de manière légèrement plus nette et un peu moins longtemps. Je pense à un freinage un peu trop tardif pour le Cayman qui a entrainé un mauvais placement entre le droite gauche et, du coup, un gauche qui est sacrifié (l’écart de presque 20 km/h est ici trop important et ne peut pas refléter l’écart de performance entre nos autos). La reprise du Cayman entre la sortie de l’épingle 1 et le freinage de l’épingle 2 est impressionnante, une vraie correction pour mon Elise ! Une fois dans la ligne droite, on voit bien que je perds du temps lorsque je passe de seconde en troisième. Le Cayman est imbattable ici et il ne trahit pas sa réputation de Porsche en bout de ligne droite : ça tombe net ! J’en profite pour ouvrir une petite parenthèse freinage : le GT4 reprend le système de la 991 GT3 à savoir 4 disques de 380 mm de diamètre et des étriers 6 et 4 pistons (avec l’option carbone-céramique PCCB, les disques passent à 410 mm et 390 mm). À titre d’information pour les Porschistes, l’Elise S2 utilise 4 disques de 288 mm et des étriers 2 pistons à l’avant et mono piston à l’arrière. Il est également possible de monter un système carbone-céramique provenant de la Formule 2. Les disques offrant une meilleure résistance à la chaleur peuvent alors tomber à 278 mm de diamètre. Je ferme la parenthèse et reviens à l’analyse. Pascal freine légèrement plus tôt que moi mais ramené à sa vitesse bien plus importante (192 km/h contre 168), il conserve plus de vitesse et freine globalement mieux. Mon problème d’instabilité au freinage explique peut-être cela. On voit également que je prends la chicane en deux temps : gros freinage en bout de ligne droite, vitesse stabilisée pour rentrer dans le droit puis à nouveau gros freinage avant de prendre le gauche. La chicane passe globalement mieux qu’avec la Porsche. J’avais dit dans mon compte-rendu que j’avais l’impression que ma Lotus faisait la différence dans le long droit 4 et cela se vérifie clairement dans les chiffres avec un delta de 8 km/h en moyenne entre le début et la fin de ce virage. Le gros écart suivant intervient à l’entrée du 6 puis tout au long de ce dernier avec ici encore 8 km/h de plus en moyenne pour mon auto. Nous négocions les virages 7 et 8 très différemment. Je sais que je passe bien le 7 uniquement car j’arrive à rester collé à gauche en sortie du 6. Je le redis, c’est capital sur ce tracé pour faire un temps. Enfin, dans l’enchainement droite-gauche-droite 8-9-10, j’ai un avantage de 5 km/h en moyenne.

Ce second graphique n’est ni plus ni moins que le même que le précédent à la différence qu’il repose sur un axe des abscisses temporel. Il permet ainsi de voir non plus la différence de vitesse de passage à un endroit précis mais met en lumière l’avance ou le retard d’une auto sur l’autre. L’écart entre les deux temps est quant à lui mis en évidence sur le graphique ci-dessous. On constate ainsi que le Cayman arrive avec 1 seconde d’avance sur mon Elise dans la chicane 1 mais que je le passe mieux et fait revenir l’avance à mon avantage (0,1 seconde). Sur la courte ligne droite qui mène à l’épingle 2, le Cayman arrive à me prendre 1,1 seconde d’avance qu’il reperd dans l’épingle. En début de ligne droite, j’ai donc 0,2 seconde d’avance. En bout de ligne droite, j’ai perdu mes modestes dixièmes et le Cayman affiche 1,6 seconde d’avance. Il perd 1 seconde pleine dans la chicane 3 puis, comme déjà dit plus haut, c’est dans le virage 4 que je commence à creuser l’écart que je ne perdrais plus jusqu’à la ligne d’arrivée.

Ce qui ressort de cette première partie d’analyse, c’est que la puissance du Cayman permet grandement de limiter la casse au niveau du chrono. Je pense que sans la petite erreur de Pascal dans la chicane 1, il aurait été clairement devant sur toute la première partie du tracé avec une avance maximale que j’estime un peu supérieure à 2 secondes en bout de ligne droite. Avec un meilleur positionnement en fin de virage 6 et entrée de 7, je pense qu’il y a encore 3 dixièmes à aller chercher.

De mon côté, entre ce que montre la télémétrie et ce que je ressens, je pense pouvoir gagner un peu dans la deuxième partie de la chicane 1 et un tout petit peu en retardant le freinage d’un ou deux dixièmes de secondes en bout de ligne droite. Je pense aussi pouvoir passer le 5 un peu plus fort en soulageant un peu moins les gaz mais ici, c’est une question de courage ! Enfin, je pense qu’il est possible de retarder mon freinage à l’entrée du 8 et d’améliorer mon passage dans ce dernier. La difficulté, évidement, est de réussir tout cela dans le même tour sans commettre d’erreur ailleurs.

Complément

Les données présentes dans les logs ne se limitent pas à un code temporel, une distance parcourue et une vitesse. De mon côté, j’enregistre également le nombre de satellites fixés, l’altitude, l’accélération latérale et longitudinale, le régime moteur et la position de la pédale d’accélérateur. J’enregistre également la température d’air à l’admission et la température d’eau mais ces deux champs ne sont pas sortis dans mon export. A creuser. J’ai également la possibilité de logger tout ce que le calculateur offre comme données : voltage des sondes lambda, pression dans le collecteur d’admission, etc…

Les données du Cayman ne contiennent pas l’altitude mais incluent en plus de ce que j’ai le glissement de chaque roue, le sous-virage et le sur-virage (remontés via le boitier de gestion électronique de stabilité), l’angle du volant, la pression de chaque pneu, la pression de freinage, le rapport engagé et quelques autres informations. Voilà de quoi s’amuser !

Commençons par ce qu’on a en commun entre les deux autos avec deux graphiques qui présentent le régime moteur et la position de la pédale d’accélérateur. Le maximum de l’axe des ordonnées correspond au régime de coupure respectif de chaque auto. On voit que le Cayman a un accélérateur électronique car à pleine charge, la valeur est réellement à 100% alors qu’avec mon accélérateur à câble, j’oscille entre 99 et 100%.

Le régime moyen sur le tour étudié est de 5248 tr/m pour mon Elise (soit 75% du régime maxi) contre 5261 tr/m pour le Cayman (66% du régime maxi), étonnement proche ! La position moyenne de l’accélérateur est de 60,9% pour mon auto contre 48,8 pour le GT4. Globalement, j’appuie donc plus sur l’accélérateur ce qui est parfaitement normal vu mon déficit de puissance.

Le graphique ci-dessous présente le temps passé par plage de pourcentage de régime moteur : 0 à 55%, 55 à 70%, 70 à 85% et 85 à 100%. Cela correspond aux régimes suivants :

  • Lotus : 0-2800 tr/m, 2800-3850 tr/m, 3850-4900 tr/m, 4900-5950 tr/m et 5950-7000 tr/m
  • Porsche : 0-3200 tr/m, 3200-4400 tr/m, 4400-5600 tr/m, 5600-6800 tr/m et 6800-8000 tr/m

Le second graphique présente le temps passé en fonction de la position de la pédale d’accélérateur. On voit ici que je suis moins souvent entre 0 et 40% (donc que j’accélère globalement plus souvent) et surtout que je passe 50% de mon temps avec la pédale de gaz enfoncée à fond contre seulement 31% pour le Cayman. Ce dernier passe 26% de son temps sur des positions intermédiaires quand je n’en passe que 11. Ici encore, l’écart de puissance du Cayman explique au moins partiellement cette situation.

Sur le graphique suivant, je me suis intéressé à la pression de freinage, toujours en relation avec la position de la pédale d’accélérateur. J’imagine que l’unité est le bar mais je n’ai pas trouvé de confirmation. Il est surprenant de constater que le circuit monte en pression de manière linéaire alors même que l’accélérateur est toujours enfoncé (c’est particulièrement visible à 1039 mètres (bout de ligne droite) et 1615 mètres (avant le virage 4)). Cela pourrait montrer que la Porsche est équipée d’un système rapprochant les plaquettes des disques,  mais pourquoi monter à plus de 10 bars dans ce cas ? Et comment anticiper le freinage de bout de ligne droite ? J’ai également pensé que l’explication pouvait tenir au fait que Pascal freine pied gauche et accélère pied droit. Il viendrait alors positionner son pied sur la pédale de frein, générant ainsi un pré-freinage léger avant d’appuyer plus franchement quand il relâche complètement l’accélérateur. Cela aurait pu tenir la route si le GT4 avait eu une boîte PDK mis ce n’est pas le cas… Je n’ai donc pas d’explication à cette situation. Je serai vraiment intéressé de pouvoir logger cette statistique sur mon Elise, mais il faudrait couper le circuit de freinage pour venir insérer une sonde, ce qui augmenterait le risque de défaillance potentielle.

Ce genre d’analyse montre ce que la télémétrie permet d’obtenir et pourrait être poussée plus loin mais il faut savoir rester raisonnable… Merci encore à Pascal pour ses fichiers 🙂

Un commentaire sur “Magny-Cours Club : Lotus Elise S2 vs. Porsche Cayman GT4

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  1. Salut Flo,
    Ou alors ce serait effectivement du freinage pied gauche s’il change pas de vitesse dans ces virages. à 1615m c’est typiquement le genre de virage où ça peut être utile. MAis à 1039m, il a semble tomber 2 rapport, donc ça ne serait pas ça.
    Est-ce que ça serait pas un système électronique genre ESP qui agit sur les freins ? Sauf qu’avant un gros freinage encore en accélération je vois pas ce qu’ESP aurait à faire, ni même un « différentiel électronique » d’ailleurs.
    Cyrille.

    1. Salut Cyrille,

      Nous sommes parfaitement d’accord sur cette réflexion. Si l’auto était en courbe on pourrait penser comme tu le dis à une intervention électronique mais en pleine ligne droite, l’auto ne peut pas deviner le freinage à venir. Honnêtement je ne vois pas comment expliquer ça d’autant plus que la source (le calculateur) est commune pour les deux données et qu’il y a donc peu de chance que ce soit un souci dans les logs.

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