Réflexion sur l’aérodynamique

L’aérodynamique revêt une importance capitale dans l’efficacité d’une auto. Cette dernière, du fait de sa forme se rapprochant d’un profil d’aile d’avion, génère de la portance. Il est indispensable d’avoir recours a des éléments aérodynamiques afin de lutter contre cette force invisible qui tend à délester l’auto et donc à limiter son adhérence. L’une des principales difficultés lorsqu’on travaille sur ce sujet, c’est que réaliser une étude en soufflerie à titre privé est beaucoup trop coûteux. Il faut donc avoir une approche empirique, essayer puis valider ou non les modifications. C’est d’ailleurs la raison qui fait que cet article s’appelle « réflexion » et non « amélioration » !

Lame avant

Je ne vais pas revenir sur ce que j’ai déjà abordé ici mais l’essentiel est de retenir que l’on peut aborder le plaquage au sol de son auto de deux manières :

  • En augmentant l’appui

Avec un aileron, on génère facilement de l’appui mais on augmente aussi sensiblement la résistance à l’air (trainée). Sur une auto puissante, l’opération reste bénéfique mais sur une petite Elise avec peu de chevaux, le risque sur un tour de circuit est que le handicap en trainée ne soit pas compensé par le gain d’adhérence apporté par l’appui supplémentaire. Pour ne parler que des Elise S2, Lotus n’avait d’ailleurs pas rajouté d’aileron sur les 135R ou Sport 190, pourtant plus puissantes que la 120 de base. Le premier aileron, bien modeste, est apparu sur la SC de 220 chevaux. En revanche, les Elise actuelles (246 chevaux pour la plus puissante) adoptent de série ou en option un kit aérodynamique assez (trop ?) poussé avec un aileron de grande taille, le tout offrant 125 kg d’appui à 225 km/h contre seulement 23 kg pour une S2 de base. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer les vitesses maximales et les vitesses de passage en courbe avec et sans aileron. Pour ceux qui seraient tentés de me dire « Et l’Elise S1 111S, elle avait bien un aileron ! », il faut savoir que ce dernier ne sert qu’à réduire la portance que génère naturellement la S1 alors que la S2, comme dit juste au-dessus, offre naturellement de l’appui.

  • En réduisant la portance

En limitant l’air entrant sous le véhicule ou en canalisant mieux le flux d’air, on tire davantage profit de l’ensemble fond plat / diffuseur. L’adoption d’une lame avant est la première étape pour travailler sur cet aspect mais il est possible d’aller plus loin. Pour cela, je me suis directement inspiré de ce que Lotus a fait sur l’Exige Sport 380 : ajouter une seconde pièce en caoutchouc fixée sous la lame avant.

Cette pièce a été reconduite sur la Cup 380 et, comme le montre l’image comparative ci-dessous, est encore plus volumineuse.

C’est assez bête mais il fallait y penser : on limite davantage le flux d’air entrant sous l’auto ce qui réduit la portance et favorise l’effet de sol généré par le diffuseur, la dépression étant plus importante. En plus, ce n’est ni couteux, ni fragile. Une idée à la Chapman ! Ce système n’a pas encore été adopté sur les Elise de série mais je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas dans un avenir proche. Mon ami Fabien (de la société SportAutoStore) ayant récemment reçu une Exige Sport 380, je lui ai demandé de me faire parvenir un cliché de cette pièce qui n’est autre qu’un simple profil en L.

Pour quelques dizaines d’euros, j’ai récupéré un profil de 20*50 mm. Le point le plus bas de ma lame avant est à 80 mm du sol mais après avoir fixé à blanc le profil caoutchouc, il ne reste plus que 41 mm. Le flux d’air entrant sous l’auto est donc théoriquement diminué de moitié. Ne voulant pas prendre le risque que cette pièce en caoutchouc se détache en roulant, j’ai préféré ne pas tester le montage tant qu’il ne sera pas fixé de manière sûre.

Jupes latérales

Pour ne rien vous cacher, j’avais acheté il y a 2 ans un jeu de jupes latérales Eltech Italia. Un peu déçu par leur poids, je ne les avais pas installées et je les ai, depuis, revendues. Il n’en reste pas moins que cet upgrade est important d’un point de vue aérodynamique puisque, la nature ayant horreur du vide, il permet d’éviter que l’air se trouvant sur les côtés (haute pression) ne rejoigne et ne perturbe le flux d’air circulant sous l’auto (basse pression) en réduisant l’efficacité du diffuseur. Lotus propose d’ailleurs des jupes sur toute sa gamme actuelle. Comme souvent, c’est en commençant à écrire mes articles et en faisant des recherches que j’avance sur un sujet et que je fais évoluer ma pensée. En réfléchissant, je me suis dit que l’on pouvait tenter de limiter ce phénomène perturbateur de deux manières :

  • Avec des jupes horizontales : c’est ce que l’on trouve sur la plupart des autos. D’une part, le rendu esthétique sur une auto typée circuit est appréciable et d’autre part, le flux d’air se trouvant sur les côtés de l’auto ne peut pas redescendre et rentrer sous le fond plat.
  • Avec des jupes verticales : l’utilité est la même que celle des jupes horizontales mais elles sont plus discrètes puisque positionnées sous l’auto. L’inconvénient, c’est qu’elles sont très proches du sol et donc exposées. La contre-partie directe, c’est qu’étant très proches du sol elles doivent être encore plus efficaces, un peu comme ce qu’on pouvait trouver sur les F1 de la fin des années 1970 (et l’histoire n’étant pas un hasard, en particulier sur les Lotus 78 et 79) avant que la réglementation ne les interdisent.

Malgré mon aptitude toute relative à la réalisation de schémas clairs, je me suis risqué à représenter l’angle d’un bas de caisse et une jupe horizontale (1) et verticale (2). Les deux permettent de bloquer le flux d’air (en bleu) venant du côté de l’auto et se dirigeant dessous, la faible pression de l’air à cet endroit aidant.

Comme lu sur un site dédié à l’aérodynamique des F1, l’effet venturi fonctionne au mieux avec une étanchéité latérale (solution n°2 sur mon schéma, bien que partielle) et, à défaut, avec un fond plat plus large (solution n°1). Mon approche, même s’il est impossible de prouver facilement qu’elle soit meilleure, semble mériter réflexion et essai.

Afin de bien comprendre comment le flux d’air rentre sous l’auto, j’ai réalisé un nouveau tuft test. Le résultat m’a surpris car j’imaginais que le flux serait horizontal le long de la carrosserie, au niveau de la portière dans son intégralité mais aussi du bas de caisse dans une certaine mesure. En réalité, il n’y a qu’une petite plage de la portière le long de laquelle le flux est bien horizontal. Les deux vidéos ci-dessous montrent ce phénomène.

Sur les vidéos 1 et 2 (en haut), on voit bien que l’air remonte vers la fenêtre sur la partie haute de la portière. A mi-hauteur de la portière et jusqu’en bas, le flux est relativement droit et part directement dans l’écope d’air. En revanche, on constate qu’il est assez turbulent à proximité de la roue avant. On retrouve cette turbulence au niveau du bas de caisse puis, plus en arrière de ce dernier, l’air s’engouffre sous l’auto de façon assez stable.

J’ai continué ma réflexion en me disant que les roues devaient également générer d’importantes perturbations du flux et que l’on pourrait donc réellement isoler ce phénomène et maximiser l’efficacité de l’ensemble lame avant basse + fond plat intégral + diffuseur en positionnant les jupes verticales à l’intérieur des roues (et non sur le bord extérieur des bas de caisse, entre les roues), comme le montre le schéma ci-dessous (voiture en noir, jupe verticale en rouge, flux d’air en bleu).

Notez que la jupe verticale (un aérodynamicien donnerait peut-être un nom exact à cette pièce) que j’ai dessinée ne fait pas que longer le châssis mais présente une courbure à l’avant. Cela permet de dévier l’air avant qu’il ne rencontre le pneu et il est intéressant de relever que ce type de déflecteur est présent sur une auto dont l’aérodynamique est pour le moins bien étudiée : la Ferrari 812 Superfast (voir ci-dessous).

Lors de mes recherches, je suis en effet tombé sur un article publié par AutoSpeed qui met en avant que plus de 13% de la trainée d’une auto (à priori une Volvo des années 2000) provient de ses roues avant. Même si cette valeur est sans doute différente sur nos autos, il n’en demeure pas moins intéressant de réduire au maximum cette source de trainée. Le design du masque avant de l’Elise S2 est mauvais de ce point de vue puisqu’il laisse vraiment apparaitre les roues. Si on le compare à celui d’une 2-11 par exemple, on se rend compte que Lotus a bien corrigé ce problème.

Ces déflecteurs d’air pour les roues avant ne pourraient être mis en place qu’avec une lame avant bien plus large (de la largeur de l’auto) et suffisamment longue et ne présenteraient un vrai intérêt qu’avec un pare-choc couvrant les roues. Cette idée n’est donc pas réalisable en l’état sur une Elise S2.

L’image ci-dessous provient de l’excellent magazine anglais Race Tech et montre l’aérodynamique très poussée de la Robocar, une F1 du future imaginée par Craig Scarborough (@ScarbsTech sur Twitter). Sur ce dessin, on voit bien que les roues sont isolées du fond plat par des lames. Je ne suis donc pas le seul à avoir eu cette idée et je pense qu’elle vaut le coup d’être essayée.

Moins futuriste mais plus concret, je reprends l’exemple de la 812 Superfast. Celle-ci utilise une autre solution intelligente avec des déflecteurs (première image ci-dessous). Au lieu d’isoler le fond plat sur toute sa longueur, deux déflecteurs à l’avant viennent créer un rideau d’air entre les deux essieux (au niveau du bas de caisse), empêchant ainsi l’air extérieur de rentrer sous l’auto.

La récente 488 GTB utilise également ce principe mais les déflecteurs d’air devant les roues avant sont légèrement différents.

Afin de vérifier l’intérêt de cette solution, j’ai là encore réalisé un tuft test. Sur la vidéo ci-dessous, vous verrez le comportement de l’air au niveau des bas de caisse avec le fond plat standard puis avec le déflecteur installé (il est plus simple à fixer sur le fond plat en alu que sur la lame avant en fibre de verre et j’ai donc pu rouler avec sans risque).

Observer le comportement des fils de laine m’amène aux constatations et conclusions suivantes :

  • Sans le déflecteur :
    • L’air est très tourbillonnant sur 4 les premiers fils
    • L’air est principalement orienté vers le bas sur les 6 derniers fils (à l’arrière du bas de caisse)
    • L’intérêt d’une jupe latérale semble se situer davantage sur la partie arrière du bas de caisse
  • Avec le déflecteur :
    • Seul le fil positionné au niveau de la fin du déflecteur est impacté par la présence de ce dernier (premier fil sur le bas de caisse sur les vidéos 2 et 4)
    • Aucun des fils suivants ne bénéficient de l’effet théorique attendu
    • Le rideau d’air créé n’est pas suffisant pour jouer le rôle de jupe latérale

Alors que j’avais imaginé pouvoir me contenter de ces déflecteurs, je me rends compte que le recours aux jupes latérales est réellement important. Il serait intéressant de voir ce qui se passe sous l’auto afin de savoir si le flux circulant sous l’auto est moins perturbé lorsqu’il est (au moins partiellement) isolé des roues par ces déflecteurs. En revanche, ces derniers permettent d’optimiser intelligemment l’efficacité du diffuseur en évacuant une partie du flux d’air entrant sous l’auto vers les côtés et en permettant ainsi de conserver une garde au sol un peu plus convenable sur une auto qui reste destinée à la route.

2 commentaires sur “Réflexion sur l’aérodynamique

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    1. Merci Julien 🙂
      Nous avons effectivement de quoi nous inspirer dans les productions actuelles, que ce soit chez Porsche, Ferrari ou même, pour rester en Angleterre, McLaren.

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