L’aluminium, qu’est-ce que c’est ?

L’aluminium est un élément clé de nos Lotus puisque leur châssis est réalisé dans cette matière. On le retrouve également dans beaucoup de pièces « performance » et, pour sortir du champ automobile qui nous intéresse sur ce blog, dans énormément d’autres objets tels que les lignes haute tension, les bâtons de ski, les emballages alimentaires ou les panneaux de signalisation. On sait qu’il est léger (2,7 g/cm3) et qu’il ne rouille pas mais sait-on pour autant d’où il vient et ce qu’il est vraiment ? Partons donc à la découverte de ce métal.

Les 45 km de la croûte terrestre sont composés de différents éléments tels que le silicium, l’aluminium, le calcium, le magnésium, le sodium, etc… C’est en l’occurrence l’aluminium qui nous intéresse. Avec 8% de la masse de cette croûte, il est le métal le plus abondant devant le fer.

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On ne le trouve pas à l’état naturel et il faut donc l’extraire d’un minerai appelé bauxite. Son nom vient du village des Baux de Provence ou il a été découvert en 1821 par Pierre Berthier. Jusqu’à la première guerre mondiale, la France sera le principal pays producteur au monde. Aujourd’hui, les plus importants sites d’extraction se trouvent en Australie, en Amérique latine et en Afrique. La bauxite se compose entre 40 et 60% d’oxyde d’aluminium et d’hydroxyde d’aluminium mais contient également de la silice, du titane et des oxydes de calcium et de fer (dont il tire sa couleur rouge).

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Une fois la bauxite extraite, on la broie en grains d’environ 0,3 mm de diamètre puis on l’attaque pendant plusieurs jours dans un bain de soude caustique (hydroxide de sodium) à haute température et haute pression (ces éléments sont variables selon le type de bauxite mais ils peuvent atteindre 280° et 40 bars) qui permet de séparer l’alumine (précisément le tri hydrate d’alumine) soluble en milieu basique du silice, titane et fer qui ne le sont pas et qui formeront des déchets appelés boues rouges. Ce procédé d’attaque à la soude se nomme procédé Bayer et a été mis au point en 1887 par Karl Josef Jason Dan Bayer. On sépare ensuite les boues afin de ne garder que la solution contenant le tri hydrate d’alumine. Cette solution est refroidie et traitée pour obtenir des cristaux. Ces derniers sont ensuite chauffés à plus de 1200° C (calcination) afin de retirer les molécules d’eau et d’obtenir cette fois-ci une poudre blanche nommée alumine (ou oxyde d’alumine) calcinée. 90% de l’alumine servira à la production d’aluminium, les 10% restants seront utilisés dans différents secteurs tels que le traitement de l’eau ou la construction mais aussi la fabrication de produits abrasifs ou de polissage (par exemple certains dentifrices).

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[Pour aller plus loin]
Fin 2015, le sujet des boues rouges est brièvement venu sur sur le devant de la scène. En effet, l’usine de production d’alumine calcinée de Gardanne (qui travaille à partir de bauxite importée et qui appartient depuis 2012 à Alteo) rejette ses boues rouges dans la mer Méditerranée (à 7 km des côtes de Cassis) dans ce qui est depuis 2012 le parc national des Calanques. Cette opération est rendue possible grâce à une canalisation de 40 km de long construite en 1966 et par laquelle ont transité durant cette période plus de 30 millions de tonnes de déchets. Depuis le 1er janvier 2016, l’usine a stoppé le rejet des boues rouges après s’être équipée d’une station de traitement qui permet de valoriser ce déchet en tant que produit. Elle bénéficie en revanche d’une autorisation lui permettant pendant 6 années supplémentaires de rejeter ses déchets chimiques liquides qui, bien que moins polluants que les boues rouges, restent largement au-dessus des normes en vigueur.

L’alumine est composée de deux atomes d’aluminium et trois d’oxygène. Elle subit alors une électrolyse pour séparer ces deux types d’atomes. Elle est dissoute dans un bain à 960° composé de cryolithe associée à du fluorure d’aluminium ou de sodium et de fluorure de calcium dont le but est d’abaisser le point de fusion de l’alumine de 2050° à 960°C. Le bain est traversé par un courant de haute intensité (entre 180000 et 600000 ampères) qui circule entre la cathode (borne négative) et l’anode (borne positive). Les atomes d’aluminium (positifs) viennent alors se déposer sur la cathode. Le fond de la cuve se couvre donc d’aluminium en fusion tandis que l’oxygène se combine au carbone de l’anode pour former du CO2. Ce procédé se nomme Héroult-Hall et a été breveté en 1886 de manière indépendante à la fois par Paul Héroult en France et Charles Martin Hall en Amérique.

[Pour aller plus loin]
Cette étape d’électrolyse est extrêmement énergivore. C’est ce qui explique qu’initialement, les usines de production d’aluminium primaire s’installaient à proximité de barrages hydroélectriques dans les vallées alpines. Aujourd’hui, l’une des deux usines française encore en activité se situe à Saint-Jean de Maurienne. Avec 180 cuves d’électrolyse, elle affiche une capacité de production de 145000 t/an. Je vous invite à lire cet article pour en savoir plus. La seconde usine se trouve à Dunkerque et est directement alimentée par la centrale nucléaire de Gravelines qui lui consacre en permanence un demi réacteur. Elle constitue le plus grand site européen de production d’aluminium avec une capacité annuelle de 270000 tonnes et, notamment, 264 cuves d’électrolyse en série s’étalant sur 1,7 km. Pour comprendre les problématiques de ce site (et indirectement de celui de Saint-Jean), vous pouvez lire cet article.

On récupère ensuite l’aluminium en fusion qui peut être utilisé tel quel (pour produire le papier d’aluminium par exemple) ou associé à d’autres éléments (auquel cas on parle d’alliage d’aluminium) selon l’usage auquel il se destine. Cette action va avoir pour effet d’accroitre sa résistance. On distingue alors les alliages pour corroyage (qui vont être déformés) et les alliages de fonderie (moulés).

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Les premiers peuvent être laminés (fabrication de tôles ou de feuilles), filés, tréfilés ou extrudés (pour obtenir des profilés divers) ou forgés (à l’aide de presses ou de marteaux) tandis que les seconds sont coulés en lingots, moulés sous différentes formes ou servent de matière première pour d’autres alliages.

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Pour les alliages corroyés, les classifications débutent par EN A (désignation européenne) suivi de la lettre W puis de 4 chiffres dont le premier indique l’élément d’alliage principal :

  • EN AW-1xxx : 99% d’aluminium minimum
  • EN AW-2xxx : cuivre
  • EN AW-3xxx : manganèse
  • EN AW-4xxx : silicium
  • EN AW-5xxx : magnésium
  • EN AW-6xxx : magnésium et silicium
  • EN AW-7xxx : zinc
  • EN AW-8xxx : autres éléments

Pour les alliages de fonderie, les trois classifications débutent également par EN A puis sont suivis d’une lettre (B pour les lingots, C pour les pièces moulées et M pour un alliage qui sert de matière première à un second) et de 5 chiffres dont le premier désigne l’élément d’alliage principal et le deuxième le groupe de l’alliage.

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Si l’on prend en considération toute la chaine de production de l’aluminium, la pollution générée est extrêmement importante. Toutefois, deux éléments sont à prendre en compte pour éclaircir ce tableau : grâce à son faible poids, il permet de réduire la consommation de carburant des différents moyens de transport dans lesquels il est utilisé et il peut être recyclé indéfiniment de manière simple. C’est le secteur du transport qui est le plus gros consommateur d’alu que ce soit en Europe ou dans le monde. En 2012, on comptait en moyenne 140 kg d’aluminium par voiture (poids moyen de 1389 kg) contre 50 kg en 1990. Il est présent dans les culasses, radiateurs, panneaux de carrosserie, châssis, etc… 95% de l’aluminium utilisé dans l’automobile est ensuite recyclé et 90% d’aluminium recyclé est utilisé au moment de la production. En France, il couvre environ 50% de la consommation annuelle. On estime que la production d’un kilo d’aluminium secondaire (recyclage) ne nécessite que 650 Wh soit moins de 5% de l’énergie nécessaire à la production d’un kilo d’aluminium de première fusion.

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Le châssis de nos Lotus est composé de 35 pièces extrudées et anodisées en aluminium 6063 (donc allié avec du magnésium et du silicium) provenant de la société norvégienne Hydro Aluminium (9ème producteur mondial d’aluminium en 2014 avec presque 2 millions de tonnes produites) ainsi que de 3 tôles d’habillage en aluminium recyclé 3105 de la même société. L’extrusion, contrairement au laminage, permet de faire varier l’épaisseur des sections qui est de 2 mm aux endroits les plus minces. Du point de vue de la résistance, des sections d’un mm auraient été suffisantes mais la technique ne le permettait pas. L’ensemble est collé (colle époxy à chaud qui cuit 40 minutes à 200°C) et riveté (130 rivets en tout).

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Pour terminer ce tour d’horizon sur l’aluminium, établissons quelques liens avec nos Lotus. 4 kg de bauxite permettent d’obtenir environ 2 kg d’alumine qui, après électrolyse, donne 1 kg d’aluminium. Ce kilo d’aluminium aura nécessité 14000Wh et rejeté 14 kg de dioxyde de carbone. Chaque châssis alu de Lotus pesant 65 kg, il aura donc nécessité pour sa production 260 kg de bauxite, utilisé 910 KWh et rejeté 910 kg de CO2, 14 fois son propre poids. En avril 2015, Lotus a fêté la production de son 40000ème châssis… soit 2600 tonnes d’aluminium, plus de 10000 tonnes de bauxite, 36400 MWh (soit la consommation de 8000 foyers français pendant un an en prenant la moyenne de 2015 qui est de 4670 kWh) et 36400 tonnes de CO2. Ce qui est une goutte d’eau quand on sait que la production annuelle mondiale d’aluminium primaire en 2014 était de 53 millions de tonnes…

Crédit photos : Norsk Hydro

Sources :

  • http://www.aluminium.fr
  • http://www.aluwatch.org
  • http://societechimiquedefrance.fr
  • http://www.alteo-alumina.com
  • http://www.planetoscope.com
  • https://aluminium.ca
  • http://www.riotintoalcan.com
  • http://www.monde-diplomatique.fr
  • http://www.lemonde.fr

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